Il existe différentes techniques de reconstruction du sein après ablation de celui-ci. Une de ces techniques est celle dite du lambeau DIEP (Deep Inferior Epigastric Perforator). Quels sont ses avantages et ses inconvénients ? Zoom sur la technique DIEP avec le Pr Véronique Duquennoy-Martinot, chef du service de chirurgie plastique reconstructrice au CHRU de Lille.
La technique DIEP permet de reconstruire les seins, sans prothèse, à partir d’une autogreffe de tissu abdominal. Elle donne de très beaux résultats esthétiques mais elle demande cependant une chirurgie lourde.
Reconstruction mammaire : technique du lambeau DIEP
» La technique du lambeau DIEP consiste à prendre de la peau, de la graisse et des vaisseaux (artère et veine) sous et autour de l’ombilic pour reconstruire un volume mammaire après unemastectomie« , explique le Pr Duquennoy-Martinot. » Ces vaisseaux qui vascularisent le lambeau sont ceux qui traversent le muscle du grand droit abdominal, d’où leur nom de vaisseaux perforants. Ils traversent le muscle pour venir dans la chair péri-ombilicale expliquant le nom de la technique Deep Inferior Epigastric Perforator Flap, ou lambeau des perforantes épigastriques inférieures« , précise-t-elle. » Ce lambeau prélevé est un tissu que l’on déplace et dont on « rebranche » les artères et les veines au niveau du sein lors d’une opération demicrochirurgie réalisée sous microscope opératoire ». L’indication principale de la technique DIEP est la reconstruction mammaire, mais elle peut être réalisée dans d’autres indications.
Technique de reconstruction mammaire DIEP : avantages et inconvénients
LES AVANTAGES DE LA TECHNIQUE DIEP
» L’avantage principal de cette technique est que pratiquement toutes les femmes ont assez de ventre pour qu’on puisse prélever ce tissu« , indique le Pr Duquennoy-Martinot. » En outre, la peau à cet endroit est de bonne qualité, de même couleur et de même texture que celle du sein« , ajoute-t-elle, soulignant que l' » on obtient souvent un très bon résultat esthétique !« . Le deuxième grand avantage de cette technique est que « c’est une reconstruction autologue (greffe des tissus de la patiente), donc sans matériel implantable ( prothèse) », indique le Pr Duquennoy-Martinot. » La patiente a ainsi sa reconstruction pour le restant de sa vie alors que les prothèses s’usent et qu’il faut donc les changer au bout de quelques années« , explique-t-elle.
Cette technique du lambeau DIEP permet aussi de préserver la paroi abdominale, ce qui n’est pas le cas avec la technique TRAM (Transverse Rectus Abdominis Myocutaneous flap), ou lambeau musculo-cutané de grand droit de l’abdomen, qui correspond à la même technique avec prélèvement du muscle abdominal en plus. » Avec la technique du TRAM, la paroi abdominale est fragilisée, on doit placer une plaque de tissu comme pour traiter une éventration« , explique le médecin. C’est enfin la seule technique qui suit les variations de poids : le sein grossit si la personne auto-greffée grossit et perd du volume si la personne maigrit.
LES INCONVÉNIENTS DE LA TECHNIQUE DIEP
Cette technique du lambeau DIEP n’est toutefois pas sans défauts. » Tout d’abord, le DIEP est une chirurgie lourde, l’opération dure 5 à 7 heures« , indique le Pr Duquennoy-Martinot. » Ensuite, il y a des risques d’échec, de l’ordre de 2 à 4 %« , poursuit-elle, avant de préciser qu’il s’agit d' » une chirurgie très exigeante, sans demi-mesure : ou cela fonctionne ou cela rate – si les vaisseaux du greffon se bouchent, la chair meurt« . Outre l’échec lié au DIEP lui-même, il peut y avoir des complications anesthésiques, abdominales et celles liées à une chirurgie lourde. » Enfin, le sein ne retrouve pas sa sensibilité, comme c’est le cas avec toutes les techniques de reconstruction mammaire : les femmes retrouvent un volume, un sein, mais aucune sensibilité érogène« , informe le Pr Duquennoy-Martinot.
Technique de reconstruction mammaire DIEP : qui peut en bénéficier?
» Beaucoup de femmes peuvent bénéficier du DIEP après une mastectomie, mais il y a cependant des contre-indications, comme les fumeuses au moment de l’intervention ou les femmes obèses« , informe le médecin. » On ne peut pas réaliser cette technique chez des femmes dont les vaisseaux perforants au niveau du ventre ont été abimés à la suite de certaines opérations« , indique-t-elle. » On pratique un angio-scanner pour s’assurer de la bonne qualité des perforantes« , précise le médecin.
» Il faut bien sûr aussi un minimum de graisse au niveau abdominal« , ajoute le Pr Duquennoy-Martinot. » Cette technique est plus difficile à réaliser chez les femmes qui n’ont pas eu d’enfants car chez elles, les vaisseaux perforants sont de plus petit diamètre, ce qui entraîne un risque d’échec plus important« , précise la spécialiste. » Comme c’est une chirurgie lourde, il faut être en forme : s’il y a des contre-indications à une chirurgie lourde, à une anesthésie générale de longue durée, un autre procédé de reconstruction mammaire est préférable« , informe le Pr Duquennoy-Martinot. Enfin, il existe des contre-indications d’ordre psychologique. » Il faut être prêt à assumer un risque d’échec, à accepter de passer de longues heures au bloc opératoire, de passer une semaine à l’hôpital et de repartir sans sein si cela échoue ».
La première étape est celle du prélèvement du lambeau pour donner un volume, auquel succède une hospitalisation de 8 à 10 jours. » Il y a une surveillance continue dans un secteur de réanimation la nuit qui suit l’opération ; si l’on s’aperçoit que le lambeau change de couleur, on envisage une reprise opératoire pour essayer de sauver le lambeau« , explique le médecin. Après cette intervention, le temps de convalescence minimum est de 6 semaines. » Une deuxième intervention, parfois suivie d’une troisième, permet de remodeler le DIEP, de symétriser l’autre sein, de reconstruire l’aréole – effectuée avec une greffe de peau« , indique le Pr Duquennoy-Martinot. Cette technique entraîne la présence de deux cicatrices : l’une transversale longue (semblable à celle consécutive à une abdominoplastie) et l’autre péri-ombilicale. » Ces cicatrices vont s’atténuer avec le temps, il faut 12 à 18 mois pour qu’elles soient matures« , informe la chirurgienne. Et de prévenir : » C’est un parcours dur, lourd et il ne faut pas penser que cela va résoudre tous les problèmes de l’après-cancer« .
Rares sont les endroits où cette technique est pratiquée . « La liste d’attente est donc longue, il faut faire preuve de patience si on souhaite en bénéficier« , prévient-elle. Quant à la prise en charge financière par l’Assurance maladie, le Pr Duquennoy-Martinot précise que » jusqu’à présent, l’Assurance maladie n’a pas de code spécifique, mais ceci devrait être modifié prochainement« . Il est probable que cela entraîne une augmentation de l’offre de la technique DIEP, » mais celle-ci restera cependant limitée car elle demande la mobilisation de deux chirurgiens, une équipe formée à la microchirurgie et un environnement adapté« , précise le médecin.