« Du jus de légumes pour traiter le cancer » : c’est quoi le délit d’incitation à l’abandon de soin ?
« Punir les comportements criminels et sanctionner ceux qui mettent en danger les Français ». C’est l’objectif d’un texte qui sera examiné à partir de mardi à l’Assemblée nationale et qui vise à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Sa rapporteure ? La députée (Renaissance) du Nord, Brigitte Liso. Le projet de loi, adopté mais vidé de sa substance par le Sénat en décembre, a été voté par la Commission des lois la semaine passée, qui a rétabli plusieurs mesures.
Certains prennent contact avec des patients directement dans les services de cancérologie
L’une d’elles a fait particulièrement réagir : la création d’un délit de provocation à l’abandon de soins. Les dérives sectaires ont en effet largement investi le domaine de la santé. Brigitte Liso a par exemple évoqué des « personnes qui font la promotion de consommation exclusive de jus de légumes pour traiter le cancer, en allant parfois jusqu’à prendre contact avec les patients dans les services de cancérologie », rappelle LCP. Avec cette loi, le nouveau délit de provocation à l’abandon de soins serait désormais passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Certains, comme le député RN du Loiret Thomas Ménagé y voient une menace sur la liberté personnelle ou la liberté d’expression : « c’est tout le débat scientifique et médical qui risque d’être mise sous cloche ». Dans son avis consultatif, le Conseil Constitutionnel avait d’ailleurs alerté sur ce risque, en mettant en garde contre des discours incriminés qui seraient tenus de manière impersonnelle « sur un blog ou un réseau social ». Le but étant « de ne pas remettre en cause, par une incrimination de contestations de l’état actuel des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte ». Des faits qui seraient déjà aussi couverts par l’exercice illégal de la médecine ainsi que la justice ordinale.
« Personne n’est à l’abri »
« Quand on dit au patient après l’avoir mis sous emprise, et qu’il ne le sait pas, d’arrêter sa chimio et prendre du jus de je ne sais quoi, est-ce que c’est normal ? », répond Charline Delporte, présidente du Centre national d’Accompagnement Familial Face à l’Emprise Sectaire (CAFFES). Engagée contre les dérives sectaires depuis de nombreuses années, elle a assisté à ces dérives dans le domaine thérapeutique. « On a tellement de familles qui viennent nous dire qu’un époux malade de Parkinson a arrêté son traitement… On imagine toujours que ces personnes sont sottes, mais personne n’est à l’abri. Cet article 4 est important pour nous parce qu’on aurait au moins cette possibilité de protéger, les associations pourraient se porter partie civile », explique-t-elle.
Car aujourd’hui, dans ce genre de cas, « il faut prouver l’abus de faiblesse, et ça c’est très compliqué », insiste Christian Cabus, correspondant dans les Hauts-de-France du Groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la prévention des individus (GEMPPI). Selon lui, ces pseudo-thérapeutes avancent d’ailleurs masqués. « Si je prends certains des participants au salon du bien-être de Valenciennes, pas un seul ne va dire d’arrêter le traitement. Mais dans le secret du cabinet… Et c’est ce qu’on entend régulièrement : un papa, une maman, se fait dire d’arrêter d’aller voir l’oncologue parce que c’est un co… », prévient Christian Cabus.
La voix du Nord