Cancer du sein : « Vivre avec l’idée que c’est permanent… et à durée déterminée
Pour Octobre rose, le mois de prévention contre le cancer du sein, six Tourangelles ont livré leur témoignage. Sylvie J., 56 ans, revient sur ces mois qui ont bouleversé sa vie.
Elle arrive à vélo, qu’elle gare devant la salle de sport qu’elle fréquente plusieurs fois par semaine. Les jours hauts, comme les jours bas. Sylvie J. a 54 ans, le corps bâti par une vie de plein air, entre footing, vélo, tennis et randonnée. Le corps en lutte contre un cancer sournoisement revenu, pour ne plus partir. «J’avais 38 ans quand le cancer du sein m’est tombé dessus. Vous êtes jeune, on vous dit que l’on va vous mettre le paquet, que ça va vous guérir pour la vie», se souvient Sylvie. Elle prend une respiration, pose une statistique glaçante : «le cancer du sein, c’est 60.000 nouveaux cas par an, 12.000 qui n’en reviennent pas.»
« On reprend sa vie, au point où on l’oublie parfois : ça vous change psychologiquement, ça vous fait grandir très vite… On traîne quelques casseroles, mais on laisse cela derrière. »
Il reviendra la où elle ne l’attendait pas, alors qu’elle ne l’attendait plus. Ce sera d’abord un lumbago dans le bas du dos, « en cassant du bois ». Un autre aux cervicales, cette fois sans raison évidente. « Autour de moi, on me disait de lâcher un peu, que j’en faisais trop… » Un quotidien actif, un boulot prenant, une reconversion en cours. Un scanner mettra le point final aux spéculations : il révèle des métastases dans les vertèbres. Réminiscence du cancer du sein qui avait attaqué sa jeunesse. « Ca ma couchée », lance-t-elle, encore attérée. Cette quiquagénaire active se retouve soudainement alitée. Puis corsetée.
C’est un tsunami, on se retrouve dans une vague, tournée dans tous les sens… On vous parle de cancer du sein, alors que vous avez mal au dos !»
Et le verdict tombe, autrement plus définitif que le premier. « C’est une maladie chronique qui ne guérira pas », résume Sylvie. « On apprend à vivre avec l’idée que c’est permanent, et à durée déterminée « , explicite-t-elle.
Semaine après semaine, mois après mois, elle réapprend à marcher. A vivre avec. « J’ai la rage de vivre depuis toujours, c’est peut-être ça qui m’aide… » Un mental de sportive aussi, l’expérience du semi-marathon, de la domination d’un corps qui souffre. Et cette certitude qu’il « ne faut pas baisser les bras : le peu de fois où cela m’est arrivé, ça a été très dur de remonter ».
« Parfois je me demande pourquoi je suis encore là »
Dans sa chambre d’hôpital, elle pleure, elle rit, elle pense à autre chose. Les amis sont là, qui « jouent le jeu ». Dehors, le travail, en temps partiel thérapeutique, synonyme pour elle « de retour à une vie normale ». Le sport une thérapie pour elle, aussi, mais dans une salle «où je sors ma carte bleue, pas ma carte verte». Le détail a son importance. La preuve « qu’il n’y pas que l’hôpital, les soins… même s’ils prennent beaucoup de place « .
Cette femme élégante aux cheveux poivre et sel vit, rit, pédale. Tient le cancer à distance. « Parfois, je me demande pourquoi je suis encore là », s’assombrit-elle. Elle parle douleurs et trous de mémoire. Nuit de bivouac sur une île de Loire. Sourires qui passent et pensées noires. Coups de rame en communion avec les Cher dames de Loire. « Même si parfois, quand je n’ai pas la force, je fais juste semblant de ramer », avoue-t-elle, comme une espièglerie. Et de lâcher son secret : « La positivité : je m’entoure de gens avec qui je me marre! »